Dire cela

Véronique Saint-Aubin Elfakir, Dire cela, Paris, Editions L'Harmattan (collection des cinq continents, 2011


Humains nous sommes jusqu'au signe. De cette parole inquiète et tendre qui nous porte, ces poèmes se font l'écho. Sur les rivages du verbe, ils nous conduisent au centre de l'éphémère pour simplement dire et célébrer cette radieuse déchirure de l'existence, offerte en partage de fraternité.





Extraits    

Toute beauté est déchirure


Singulière est la lettre

      au chiffre insu
où le périssable
      joue ses gammes
en coulées de matière.

Dans la courbe d'un vide,
       s'invente le monde.

Au creux de cette absence
        frémit la soie du verbe.


Le poème en taches
      de lumière
décline cet alphabet
blanc de l'être.
   




Jardin de signes




Nous prenons source

                dans la sérénité du verbe


En ce jardin de signes

               l'âme se rencontre


Fleur ravie au néant

               sur le corps du désir
tombent des pétales de mots


Comme un saule léger,

               la vie, cette racine fragile






Lettres étourdies

Poussière est l'existence

au firmament du Réel
              où vibre
tout le fragile humain
accroché à nos voix.

Dans l'ivresse du signe

l'écume du nom
trace sur le sable         
ces lettres
à la beauté défaite

le poudroiement d'un pas
la marque d'un visage.

Asile est pour notre finitude

cette parole inquiète
comme un vol d'hirondelles
étourdies
à la bordure du temps.



L'étranger



J'en appelle à ton visage, étranger

de sel, de vent, d'ambre, d'espoir.


Jardin fermé

                    Autre tu es
                           Autre, tu demeures
fugitif étranger
                        un instant capturé.


Ton regard incisif

                 dénude ma solitude
l'exil inquiet de ma parole.

Toi,
qui sans cesse te retourne et me détourne
Toi,
l'insaisissable,
incessant voyageur de l'improbable,
reste l'obscur,
                   l'inatteignable,
ne mets pas fin à ma faim,
laisse ma soif ardente,
dans le désert de l'attente.
Abîme secret d'un dévisageant,
                      où d'une rencontre,
l'oasis s'envisage.





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